Récit glaçant, scène glaçante, personne glaçante. Les médias utilisent désormais le terme “glaçant” pour relater des faits, des événements, des personnes impliquées.
Les émotions sont l’un des leviers préférés de beaucoup de médias, et pas seulement ceux qui adorent le sensationnel.
Quelle est l’impact de l’émotion? L’émotion crée un sentiment et une perception à partir d’un élément extérieur. Les médias d’information ont pour objectif de nous informer de façon neutre. Dès lors qu’ils utilisent des termes comme “glaçant”, ils vont au-delà de l’information en faisant appel à notre opinion.
En effet, nous allons réagir à un événement en fonction de notre ressenti qui va venir en premier au détriment de la raison. Au lieu de réfléchir avec raison sur l’événement, nous sommes alors tout de suite pris au piège par l’émotion suscitée par le média.
A partir de ce moment-là, tout débat sera orienté vers la passion à un degré plus ou moins élevé. Annoncer l’événenent et le qualifier d’emblée comme glaçant nous plonge tout de suite dans un sentiment évoquant le froid, le sinistre ou l’effrayant.
Ainsi décrire un événement tragique d’un accident de la route ou une guerre comme un fait “glaçant” nous renvoie à d’autres événements tragiques qui ont été considérés après réflexion comme particulièrement sinistres. Ce renvoi peut dépendre du vécu personnel de chacun (histoire personnelle) ou du vécu collectif (Première et Deuxième guerres mondiales, guerres en Ukraine, au Proche-Orient…).
Dans tous les cas, nous avions la possibilité de nous forger nous-mêmes notre image avant qu’un sentiment nous soit imposé. Désormais c’est impossible car “glaçant” se réfère aux ombres les plus sinistres de l’Histoire.
Dans sa recherche sur les médias Jean-François Têtu propose une analyse brillante du traitement de l’émotion dans les médias : dispositifs, formes et figures. Les journalistes professionnels maîtrisent la langue et leur choix des mots est toujours important à décrypter pour comprendre leurs intentions et leurs grilles de lecture quel que ce soit l’organe de presse. Presse populaire ou presse plus élitiste, les mots utilisés sont toujours à analyser pour comprendre leurs intentions et garder un minimum de raison.